L’histoire culinaire lyonnaise  31/01/2020

La mère Léa, une figure "forte en gueule" de la restauration à Lyon

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C’est une mère que les moins de vingt ans… peuvent presque connaître ! Pas tout à fait, néanmoins, puisque la mère Léa est décédée en 1996. Néanmoins, elle a animé la vie gastronomique lyonnaise durant de très nombreuses années. Et a formé son content de cuisiniers en intérim ou en apprentissage tout au long de sa belle carrière. Portrait.

La mère Léa, une vie en cuisine !

“Attention ! Faible femme, mais forte en gueule !” Cette inscription, Léa Bidaut l’a portée toute sa vie, chevillée au corps, comme la profession de foi d’une femme qui a su s’imposer dans un milieu où les hommes ont souvent fait la loi. Et ce n’est pas pour rien qu’elle ornait, bien visible, le petit chariot avec lequel elle a, durant des années, parcouru le marché Saint-Antoine, à deux pas de son restaurant, La Voûte chez Léa, place Antonin Gourju, dans le deuxième arrondissement.

Un exemple de cuisinière à suivre pour les intérimaires des brigades lyonnaises

Du caractère, il lui en fallait, à la mère Léa lorsqu’elle n’était que la fille Bidaut. Car elle a grandi dans un milieu industriel, au Creusot, où elle naît au début du XXème siècle. C’était le 19 août 1908 et nul ne savait dans son petit milieu bourguignon que Léa Bidaut allait devenir une référence de la cuisine lyonnaise. En Bourgogne, elle y reste une trentaine d’années et y parfait ses talents culinaires : en 1927, elle entre au service de la famille Schneider qui détenaient les forges et les aciéries du Creusot.

La mère Léa à formé des chez chefs en intérim à ses côtés, dont Philippe Rabatel, son successeur

1938, Léa Bidaut s’apprête à devenir la mère Léa

Avant d’atterrir à Lyon, Léa Bidaut passe par Dijon, une autre capitale de la gastronomie, du bon vin et de la bonne chère. Mais sa carrière de chef débute véritablement entre Rhône et Saône, du côté de la rue Tupin, dans le deuxième arrondissement. Un petit bistrot qu’elle achète en 1938 et dans lequel elle travaille les spécialités qui feront sa renommée : la choucroute au champagne, par exemple, un plat qui lui offrira une étoile au guide Michelin. Ce n’est sûrement pas un hasard si ce petit bistrot deviendra, en 1968, le fameux Daniel & Denise.

Un succès qui se compte en dizaines d’années

Mais c’est dans son restaurant ouvert en 1943 que la mère Léa construit sa future notoriété. Place Antonin Gourjut, sur la Presqu’Île, elle crée La Voûte, Chez Léa, où elle exercera jusqu’en 1981. Avec, au menu : sa choucroute au champagne, son gigot d’agneau, son canard au sang, son tablier de sapeur, fameuse spécialité locale à base de gras-double, son poulet au vinaigre, sa cuisse de lapin à l’orange… et son gratin de macaronis, un plat qu’elle aurait appris à… la mère Brazier, rien que ça, et qui est encore inscrit à la carte du restaurant.

La mère Léa, première femme chez les Toques Blanches Lyonnaises

Ce n’est évidemment pas la seule reconnaissance culinaire qu’elle rencontre au cours de vie. En plus d’être étoilée, ce qui est loin d’être anodin pour une cuisinière dans les années 40, elle reste, en 1978, la toute première femme à intégrer les Toques Blanches Lyonnaises, célèbre association de chefs créée en 1936 afin de préserver et garantir l’art culinaire lyonnais. Autant dire que les chanceux ayant eu l’occasion d’exercer à ses côtés, en cuisine, au gré des contrats d’intérim ou de longue durée ont des raisons d’avoir quelques talents culinaires…

Parmi les cuisiniers en intérim ou autre ayant fréquenté la cuisine de Léa…

Parmi eux, Philippe Rabatel, son second, qui prend sa suite à sa retraite en 1981 sur les conseils de Paul Bocuse lui-même“Léa vend son restaurant, il est pour toi !”, lui aurait dit le plus célèbre des chefs lyonnais. Aujourd’hui, ce sont Christian Morel et Christian Têtedoie, amoureux de longue date de la cuisine de Léa, qui en sont les propriétaires, successeurs de Rabatel en 2013 après plus de 30 ans d’exercice de ce dernier. De quoi donner une nouvelle jeunesse à cette institution des gones !

Les photos de la mère au-dessus des caisses ont un peu vieilli, le plafond du bistrot et la vaisselle, réduits en miette en 1944 lorsque les Allemands firent sauter le pont Bonaparte, ont été remplacés depuis longtemps… mais l’esprit de ce bouchon authentique reste fidèle à lui-même… et à sa mère Léa !

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