L’histoire culinaire lyonnaise  03/02/2020

La Mère Brazier : la première étoile

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Que l’on soit chef cuisinier, commis de cuisine, plongeur ou encore serveur, le nom de la Mère Brazier résonne aujourd’hui encore comme une référence dans le milieu de la restauration. Car si feu Paul Bocuse a longtemps été décrit comme le “père” de la gastronomie française, c’est oublier que ce dernier a eu une “mère” dans le milieu, et pas n’importe laquelle : Eugénie Brazier. Aujourd’hui table incontournable de Lyon et même de France, La Mère Brazier est avant tout le nom d’une femme qui avait tout vu avant les autres. Histoire d’une cuisinière hors-pair.

De la ferme familiale à la découverte de la cuisine

Il n’est pas de bonne success story sans débuts difficiles. Eugénie Brazier en est un bon exemple. Née en 1895 dans le petit village de La Tranclière, dans l’Ain, de condition modeste, c’est très jeune qu’elle connaît, déjà, une première responsabilité dans la petite ferme familiale quand à 5 ans, elle doit garder les cochons. Devenue orpheline suite au décès de sa mère quand elle atteint l’âge de 10 ans, la jeune Eugénie est placée de ferme en ferme jusqu’à ses 20 ans. Naît alors son fils, Gaston, en 1914. Une disgrâce pour une femme qui n’est, à l’époque, pas mariée. C’est pourtant en devant se faire embaucher comme bonne à tout faire pour gagner sa vie chez les fabricants de pâtes Millats que la future chef de cuisine va attraper le virus de la marmite.

Les gammes dans le restaurant de la Mère Filloux, puis l’envol rue Royale

Tout intérimaire qui exerce aujourd’hui dans le milieu de la restauration de prestige se doit de le savoir : aucune grande inspiration culinaire ne naît sans apprentissage auprès d’une pointure. Au même titre que Paul Bocuse a eu la Mère Brazier comme mentor, Eugénie, elle, est allée s’instruire chez Françoise Fayolle, plus connue sous le nom de la Mère Fillioux. Une sommité de la gastronomie lyonnaise qui a permis, à travers son enseignement, à la future reine des fourneaux de parfaire son art. Après un passage remarqué à la Brasserie du Dragon, c’est le 10 avril 1921, avec quelques économies en poche, qu’Eugénie Brazier prend son envol : elle s’installe au 12, rue Royale, à Lyon, une ancienne épicerie-comptoir en faillite, pour y proposer sa vision d’une cuisine familiale, généreuse, qui parle autant au cœur qu’aux papilles.

Du tout-Lyon à la première étoile féminine, un parcours sans faute

Seize couverts – tous en inox ! – et du linge basque. Voilà l’alliance insolite qui, dès le milieu des années 20, compose humblement le nouveau temple de la restauration lyonnaise. Son concept fait dire aujourd’hui d’elle qu’elle est la mère des bouchons lyonnais. Le tout-Lyon se presse chez la Mère Brazier pour y savourer du caviar glacé, du fond d’artichaut au foie gras ou encore de la sole meunière. Le maire de Lyon lui-même, Edouard Herriot, en raffole. Il n’est pas rare, pour l’anecdote, de le voir arriver en avance, attendant longuement que le restaurant ouvre ! La suite coule de source : en 1933, Eugénie Brazier fait coup double au Guide Michelin, avec trois étoiles pour le 12, rue Royale, et trois autres pour son Bungalow, son deuxième restaurant au col de la Luère, à Pollionnay, dans l’ouest lyonnais. Quand on sait que seuls les chefs cuisiniers Marc Veyrat, Alain Ducasse et Thomas Keller ont réussi cet exploit dans l’histoire, voilà qui force le respect pour la première femme étoilée au monde avec Marie Bourgeois la même année.

La chute, puis la renaissance avec Mathieu Viannay

La Mère Brazier devient ainsi la table incontournable des grandes fortunes de Lyon. Mais après les décès successifs d’Eugénie et de son fils Gaston Brazier, qui avait, un temps, brillamment assuré l’intérim, l’enseigne perd peu à peu de son prestige. En 2007, c’est même le dépôt de bilan pour le couple franco-américain Philippe Bertrand-Bob Tosh. Finalement, l’étoilé et meilleur ouvrier de France Mathieu Viannay, épaulé par Paul Bocuse, reprend les lieux. Le chef cuisinier parvient à y insuffler une vision contemporaine, tout en conservant l’âme d’antan. Dépoussiéré, le restaurant a retrouvé deux de ses étoiles, et en vaudrait déjà trois selon le quintuple macaronné au Guide Michelin Yannick Alléno. Sous la houlette de son chef cuisinier, La Mère Brazier est redevenue un graal dont tout commis de cuisine, serveur ou plongeur en recherche d’une mission d’intérim, d’un CDI ou d’un CDD à Lyon peut rêver aujourd’hui !

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