L’histoire culinaire lyonnaise  03/02/2020

La Mère Guy, l'antique Mère de la cuisine et de la restauration lyonnaises

cuisinelyonmères lyonnaisesgastronomiebouchonHistoires LyonnaisesMère Guy

Les Mères lyonnaises, un monument de la gastronomie, de la cuisine et de la culture entre Rhône et Saône ! Présentation d’une de ses figures marquantes : la Mère Guy.

La grand-mère des Mères de la cuisine lyonnaise

On aime à présenter, souvent à tort, la Mère Fillioux, comme la première des Mères de la gastronomie et de la restauration lyonnaises. Si c’est bien à elle que l’on doit en quelque sorte le concept des bouchons lyonnais, il faut remonter en revanche deux siècles en arrière pour trouver la trace de la première de ces matrones de la cuisine locale : la Mère Guy. Son prénom ? Nul ne le connaît. Sa date de naissance ? Pas mieux ! Connue comme une certaine “Mère Guy”, cette dernière ouvre en 1759 (époque à laquelle les missions intérim ne couraient pas les rues, certes) sur les rives du Rhône, à la Mulatière, une guinguette avec son mari, sur ce qui deviendra plus tard le 35, quai Jean-Jacques Rousseau. En effet, le célèbre philosophe y avait passé une nuit à la belle étoile en 1732, d’où ce nom !

Un restaurant à l’histoire séculaire

Mais attendez une seconde : le quai Jean-Jacques Rousseau ? Sur les rives du Rhône ? Hé oui ! A l’époque, les travaux de Confluence n’avaient pas encore été réalisés, et c’est bien sur cet affluent que donnait à l’époque le restaurant de la Mère Guy. Mais revenons à cette dernière… Connue comme étant la “femme d’un pêcheur traditionnel” qui la ravitaillait en poissons pour sa guinguette et sa spécialité : la matelote d’anguilles. Le lieu est alors propice aux bals musette et aux rendez-vous d’artistes peintres de l’école lyonnaise. Pourtant, après le décès de Dame Guy en 1801, il faudra attendre près de 70 ans pour que l’histoire de l’établissement connaisse un nouveau tournant.

La Génie et Mme Maréchal, des petites filles qui perpétuent l’héritage

Ce n’est effectivement qu’en 1870 que la guinguette connaîtra une seconde jeunesse. La surnommée “La Génie” (on n’aimait pas trop les prénoms dans la famille) et sa sœur, connue comme “Mme Maréchal”  reprirent le flambeau de leur grand-mère. Sous l’impulsion des deux femmes, la réputation des lieux renaît. C’est d’ailleurs “La Génie” sera à l’époque connue comme “La Mère Guy”, avant que l’Histoire ne nous rappelle l’héritage de sa grand-mère.

La Mulatière devient alors un repère pour les personnalités en tous genres. Bien avant de se rendre régulièrement chez la Mère Brazier, le maire de Lyon Edouard Herriot aimait à venir savourer les spécialités de feu Mère Guy. Même l’impératrice Eugénie avait eu vent de la réputation des lieux et était venue se restaurer sur place en allant à Aix-les-Bains pour sa cure thermale annuelle. D’autres écrivains, politiques et artistes se plairont à venir profiter des bords du fleuve et de la cuisine des deux héritières.

Des grands chefs, des étoiles sans intérim, et l’extinction

Le travail des deux petites filles de la Mère Guy a indéniablement payé. Dès le début du XXe siècle, les repreneurs se sont révélés des plus prestigieux. Durand, Chargueraud, les frères Foilliard… C’est d’ailleurs avec l’intérim longue durée de ces derniers que la bâtisse connaîtra ses plus belles heures de gloire. Renommant la guinguette “Le Pavillon Belles Rives”, les deux hommes permettront à l’établissement de glaner trois étoiles au guide Michelin de 1936 à 1939. Quelques années plus tard, en 1942, c’est le grand chef Roger Roucou qui reprendra l’affaire, sans oublier de renommer l’établissement “La Mère Guy”, pour y faire perdurer ses spécialités, tout en y ajoutant un soupçon de cuisine du sud-ouest, conservant ainsi deux jolies étoiles. Le chef dirige d’ailleurs pendant un temps les Toques Blanches lyonnaises et travaille régulièrement avec le grand chef Paul Bocuse. En 1991, après le départ de son dernier chef Roger Douillé, l’ancienne guinguette tire sa révérence. Elle est même détruite pour laisser place aujourd’hui à des habitations.

Que reste-t-il de la Mère Guy ?

Le restaurant et ses différents chefs n’étant plus aujourd’hui, quel héritage la Mère Guy a bien pu laisser à Lyon et au monde de la restauration en général ? Tout d’abord des spécialités, bien évidemment. La matelote d’anguilles, qui fut le plat phare de la première Mère Guy, est resté à la carte pendant plus de deux siècles ! Le gratin d’écrevisses, l’anguille Lison, la mousse d’écrevisses Bleuette, la truite au bleu, la langouste Newbourg, les fraises Romanov, les pêches Belles Rives et le soufflé glacé sont aussi autant de délices qui ont garni l’estomac des gourmands de Lyon.

Paul Bocuse était un habitué, d’ailleurs, de la Mère Guy. Et lui n’avait pas oublié à quel point la cuisine de l’établissement avait marqué la gastronomie lyonnaise. Rien d’étonnant donc à ce que l’on retrouve dans les Halles Bocuse une allée portant le nom de la Mère Guy. Histoire que même sans murs, ce nom perdure et ne tombe jamais dans l’oubli pour continuer d’inspirer les intérimaires en restauration de tous bords.

Articles similaires